Ça va vous paraître con. Et à moi aussi, en fait. La structure et le concept du site sont ainsi faits que je catégorise, notamment, les disques par type de voix : masculine / féminine. Oh ; oui, je sais, c’est pas inclusif, so nineties, tout ça. Là n’est pas le sujet en fait ; c’est que sur ce « Speechless », troisième album de la violoncelliste polonaise Karolina Rec alias Resina, on en trouve, des voix. Féminines et masculines. Mais elles ne sont pas utilisées comme d’habitude, pour déclamer ou chanter un texte. « Speechless » on vous a dit ; elles servent d’instrument, de moyens d’expression et d’orchestration. Elles sont un vecteur d’émotion pure, sorti de toute interprétation ou paraphrase. Ne vous attendez pas non plus à retrouver ici les habituels titres néo-classiques que l’instrument de la dame viendrait traverser et agrémenter de joliesses. Ce n’est pas le propos ici. L’album ne donne pas vraiment d’indications sur son thème, l’artiste annonçant juste que le disque est une ode à la planète, une manière de renouer avec une forme d’animalité, une connexion recherchée avec la terre nourricière, « que nous avons encore la chance d’observer un peu avant qu’elle en aie assez de nous ». Pourtant, il est difficile de ne pas s’y sentir mal à l’aise ; il y a ici quelque chose d’oppressant, d’apocalyptique, de très sombre et limite flippant. Resina a récemment été choisie pour écrire la bande son du jeu vidéo basé sur le RPG « Vampire : la mascarade », ce qui ne surprendra personne à l’écoute de ce disque (d’ailleurs si vous venez à tenter cette bande originale très réussie, vous y trouverez quelques similitudes). Il y a, bien sûr, du néo-classique ici. Mais il y a aussi du post rock (Resina a d’ailleurs travaillé avec Godspeed You Black Emperor!), du dark ambiant, de l’indus, de la musique de film. Tous ces éléments réunis confèrent à l’oeuvre une ambiance de fin du monde, finalement bien loin des propos relayés plus haut. Anxiogène et sombre, c’est un album à ne pas mettre entre toutes les oreilles, et où ce qu’on pensait être le matériau de base de l’oeuvre, à savoir l’instrument de Karolina, n’est en fait qu’un élément d’une équation bien plus complexe et au résultat bien moins limité.
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Excellente chronique, pour une très belle découverte! Merci Adopte un disque! 🙂
nîm.