
Raoul Sinier, je le connais depuis que j’ai croisé une de ses vidéos sur feu la chaîne No Life. J’avoue ne plus savoir de quelle année ça date, mais à coup sûr ça en fait une tripotée. Et d’aussi loin que je me souvienne, le style du monsieur a toujours louvoyé entre musique électronique, indie rock et musique expérimentale, le tout avec un prisme assez sombre et très personnel. Un style difficile à classer qui depuis quelques temps s’accompagne d’un format plus pop, auquel le compositeur prête sa voix. « Army of ghosts » est le dixième album (si je compte bien), et il continue de s’enfoncer dans la jungle inextricable des pensées tordues de Raoul Sinier. On y retrouve donc des rythmes hérités du hip-hop mais un peu concassés, des structures progressives, des sonorités assez typiques, et un côté un peu emphatique désormais assumé encore plus par la voix. Si je devais formuler un reproche, ce serait d’ailleurs à ce niveau. Non pas au niveau du timbre, mais peut-être de l’accent et du placement, parfois à la limite de l’approximatif. Et bien sûr, ça participe de l’ambiance étrange qui se dégage du disque, mais, quand même, ça me gène un peu parfois. Alors, Raoul Sinier va-t-il continuer à être une énigme pour ses contemporains ou ce disque montre-t-il une tendance à être plus « transparent », tout en évoquant des fantômes ? Et bien… peut-être, je dis bien peut-être, est-il ici un peu plus accessible. La présence de la voix y est pour beaucoup bien sûr, mais il est vrai qu’on a plus l’impression d’être face à des chansons plutôt qu’un voyage intérieur aux clés ésotériques. Pourtant, « Army of ghosts » reste un tout, une masse qui peut s’avérer difficile à traverser, mue par des pulsions profondes qui évoquent des niches musicales pas à la portée de toutes et tous. Il faut oser s’y aventurer, s’y perdre, y revenir, y réfléchir. Même pour qui connaît le personnage, il peut être difficile à suivre. Parce que c’est d’instinct qu’on parle ici, celui d’un artiste total qui peut s’adonner tour à tour à différentes formes d’art (musical, visuel, virtuel, vidéo, conceptuel), et qui passe d’une idée à l’autre sans transition. La raison n’a pas sa place ici ou si peu que parfois, c’est trop pour nous. Il faut savoir l’accepter et prendre les disques de Raoul Sinier pour ce qu’ils sont ; la poursuite d’une quête personnelle à la fin incertaine et peut-être chimérique. Vous êtes perdus ? Et bien c’est que vous êtes arrivés alors. Regardez autour de vous ; vous venez d’entrer dans l’armée des ombres de Sinier.






