Je ne tergiverserai pas : « Infinity », auquel « Eusa » succède, m’a fait chier. Alors si je suis toujours curieux de découvrir un disque du breton, c’est avec une certaine appréhension que j’entame son écoute. Heureusement, je ne tarde pas à me rendre compte du volte-face opéré par le musicien à l’occasion de ce neuvième album. Exit le côté new age, oubliées les influences rock indé, « Eusa », dédié à l’île d’Ouessant, renoue avec les atmosphères mélancoliques sinon tragiques de « Rue des cascades » et « Le phare ». Seul avec son piano, tissant des mélodies de dentelle se superposant aux vagues, épousant les récifs, le musicien nous rappelle, se rappelle qu’il n’est jamais meilleur que lorsqu’il est sombre. Alors certes, si l’instrumentation est différente, « Eusa » n’est « qu’un autre » disque classique de Tiersen, et ceux qui le connaissent déjà sous cet angle ne seront pas tant dépaysés que ça. On reconnaît les mélodies caractéristiques du bonhomme, on anticipe le rythme et la forme des titres. Mais c’est toujours aussi beau, et pour peu qu’on ferme les yeux, on sent presque les embruns nous caresser les joues. Alors de quoi se plaint-on ?
Yann Tiersen : Porz goret