
La new yorkaise Devi Mambouka a depuis 2017 lancé un projet solo nommé Masma Dream World. Pourtant, vous allez vite le comprendre si vous lancez l’album, de rêve il en est assez peu question ici. Elle (enfin, ielle, puisqu’on est dans une configuration non-binaire) a beau revendiquer des influences world (avec ses origines gabonaises et singapouriennes), pour moi l’essentiel du disque repose sur un genre qui a fait ses preuves pour nourrir angoisses et cauchemars ; mesdames et messieurs, let me introduce you le dark ambiant. Certes, « Please come to me » n’abuse pas des drones et autres sonorités habituelles du genre. Ici on joue avec les codes du sacré, on pervertit les sons de mère nature, on convie la musique électronique et la musique du monde à une cérémonie de célébration ou guérison du deuil, on ne sait pas bien. La voix est présente ici, dans une forme de chant litanique qui frôle le liturgique. On croise aussi des sons enregistrés dans des temples, dans des églises ; le sacré est une préoccupation essentielle de ce troisième album, comme on peut le deviner à l’accoutrement et la posture de l’artiste sur la pochette. Pourtant, pas vraiment de texte ici ; du moins s’il est là, on ne parvient pas à en saisir le sens, juste l’intention (et encore, chacun en aura certainement son interprétation). En tout cas, « Please come to me » a une certaine tendance à sonner comme la bande originale d’un film d’épouvante à la Insidious ; on est pas là pour rigoler. Sur « What if it was true » des samples distordus viennent renforcer cette impression qu’on se trouve dans un monde hostile peuplé de fantômes. Masma Dream World a donc bâti un édifice musical qui emprunte les ambiances d’un genre dont il n’épouse pas les formes, ce qui est assez impressionnant. Bien sûr, il n’est pas destiné à devenir un disque de chevet, mais un statut de disque expérimental de qualité lui est dores et déjà acquis.