Pour beaucoup, le nom de Juno Reactor sera une découverte. Pourtant, il est presque impossible que vous n’ayez pas eu l’occasion de croiser la musique du collectif. Musique de film, de spectacle, de jeu vidéo, pubs, défilés… En bientôt 30 ans de carrière, Juno Reactor a réussi à s’incruster un peu partout. Pourtant, même ceux qui les connaissent depuis des années (dont je suis) sont incapables d’en citer un titre. Pourquoi ? Parce que Juno Reactor, comme d’ailleurs son cousin Shpongle, c’est une expérience, pas une poule aux œufs d’or pondeuse de singles. Le truc du duo, c’est la trance psychédélique. Mais là où de nombreuses formations se contentent de surfer sur la vague opiacée induite par le genre, Juno Reactor lui ouvre assez tôt les portes du monde, au propre comme au figuré, en y incluant des sonorités world music. Tout ça donne à sa musique un côté très neo baba cool, et une aura de pape de la musique électronique que personne ne s’amuserait à renier tant Juno Reactor a fait naître de vocations au gré des sorties de ses 10 albums. Comme d’habitude (reconnaissons-le, un disque du duo en vaut souvent un autre, en bien comme en mal), on retrouve donc ici une base psytrance avec un spectre assez large d’anthropophagie musicale, façonnée en neuf (longs) titres faisant intervenir samples divers, chant lyrique, percussions tribales, envolées de basses acides, et parfois même d’autres éléments exogènes. Le groupe n’a peur de rien, ne s’interdit rien, et peut à peu près tout se permettre. Mais voilà, sur ce « The mutant theatre » comme sur les précédents, les limites de son style de base se font ressentir et ressentir à l’auditeur une impression de « musique des années 90 ». C’est assez tragique de le constater : Juno Reactor n’a pas su grandir en même temps que ses suiveurs, et sa musique, tout aussi originale et extraterrestre soit-elle, se heurte au plafond de verre d’une réalité musicale moins inventive mais peut-être mieux mise en valeur. Pourtant, impossible de qualifier cet album de ringard ou de raté ; Juno Reactor a toujours ce don du rythme et de l’agrégation. Alors on se retrouve avec un avis mitigé, entre enthousiasme de fan et regard critique de l’époque.
Juno Reactor : Let’s turn on