Certains disques s’avèrent tellement complexes au premier abord qu’il est impossible d’avoir une autre réaction que le rejet. Ce premier album, je lui ai longtemps tourné autour, je l’ai débuté, arrêté, recommencé, zappé… Mais impossible de le nier : il y a ici quelque chose qui rend autant malade qu’accro. Derrière Ophe, il y a Bargnatt XIX, l’une des deux têtes pensantes d’Omrade, projet de metal avant-gardiste déjà pas mal barré. Mais ici, on passe deux ou trois crans au-dessus, en prenant l’option post black metal. « Somnum sempiternum » affiche à l’entrée une nappe mélodique à laquelle on espère se raccrocher tout au long du morceau, mais celle-ci disparaît bien vie à la faveur d’un black apocalyptique et schizophrène, très free dans la forme, qu’on perçoit plus comme une somme de moments plus que comme un tout construit. « Decem vicibus » donne plus dans l’ambiance rituel post-apo ; assez obsédant et bien construit, il nous donne l’occasion de faire le point sur la situation, encore sous le choc du premier titre. « XVIIII » traverse les mêmes paysages délabrés pour ensuite nous servir un riff plus industriel et monocorde, et aboutir dans un black orchestral en sourdine plus classique, où un guitar hero aurait décidé de taper l’incruste. Et toujours ce saxophone fou (merci Val Dorr d’Aevangelist) qui ponctue cette éloge de la folie d’interventions bien senties… « Missive amphibologique d’une adynamie a la solitude » repart de plus belle dans l’expérimentation post black, post metal, post musicale d’ailleurs. Presque onze minutes d’un voyage particulièrement tourmenté et malaisé à comprendre, le mal de mer aidant. Il faudra bien l’apaisé mais inquiétant final « Cadent » pour nous panser les chairs et l’âme de la torture mentale de ce premier Ophe. Que retire-ton de tout ça ? L’envie de comprendre. Mais aussi une impression qu’Ophe a tout donné sans rien retenir, concevant ce disque comme une catharsis, un monstre assumé, fascinant et détestable, celui qu’on loge dans la cave, en essayant de l’oublier la plupart du temps, mais dont on vient se délecter de la laideur une fois de temps en temps…
Ophe : XVIIII