
En 2018, je me prenais un coup de pantoufle de Forever Pavot, qui avec son univers anachronique avait réussi à me captiver. Il faut dire que les sonorités dramatiques et les ambiances cinématographiques, très écrites du projet, sa couleur seventies et ses textes incongrus avaient tout de l’expérience interdite. « L’idiophone » va encore un peu plus loin, intégrant des sonorités plus electro mais aussi globalement plus sombres. C’est un peu ce qui pourrait freiner le parcours de ce troisième album : des mélodies moins franches, des histoires plus borderline. On en est témoins, embarqués dans la voiture d’un fugitif, « dans la voiture » qui démarre en trombe mais manie les cordes et éléments néo-classiques comme des menaces, instaurant un climat anxiogène. Très bon titre, mais qui peut faire peur, au propre comme au figuré. « Au diable » et son histoire de home-jacking n’amène pas vraiment plus de gaieté, et « Les informations » introduit des éléments flirtant avec la synth wave, avec un traitement de la voix narrative bien dark (bien que le texte puisse être pris avec pas mal de recul, comme tous ceux de Forever Pavot). Passée l’assez anecdotique « Du pipeau », « Au bal des traîtres » reprend les choses là où « Au diable » les avait laissées, hélas sans grand panache. Si bien que « La main dans le sac » et ses percussions volontaires nous font sursauter. « Les enjambées » est agréable mais un peu trop léger pour moi. On retrouve les accents tragiques sur une « Décalco » encore emplie de classe et de mystère. Sur « La mer à boire », on a la confirmation ; ici les textes sont encore plus barrés, surréalistes, poétiques, rayez la mention qui vous paraît inutile. Tout est une question de perception : pour ma part c’est principalement la musique qui me porte, et les paroles apportent de leur côté un décalage bienvenu. Le morceau-titre est, sans surprise, l’un des plus réussis et emblématique du disque. Une fois jeté « Un œil dans la serrure », « Dans mes cordes » et « Au fond » font redescendre doucement mais sûrement la pression. Forever Pavot est toujours aussi génial certes, il possède un don indéniable pour les arrangements luxuriants et la mise en scène. Mais si ses hauts sont peut-être plus hauts ici, je trouve aussi que ses bas suivent la même logique ; les nombreux interludes sont pour moi superflus, et quelques titres également un peu en-dessous. Ce qui ne fait pas de « L’idiophone » un album décevant, mais la frustration est tout de même là de ne disposer « que » de ça, alors que le disque aurait pu être tout simplement imparable étant donné les qualités de son compositeur !