Ça fait un moment que les San Franciscains sont les rois du blackgaze. Et comme souvent dans ces cas-là, à force de tourner autour du pot, on finit par tomber dedans. Comprenez que « Infinite granite » marque un éloignement certain du black pour se concentrer sur le shoegaze. Est-ce là un mouvement que les fans comprendront et accepteront, eux qui ont pour la plupart plébiscité le groupe justement pour leur positionnement original et osé ? Je vous avoue que si j’avais pour ma part succombé à « New Bermuda », j’avais, après quelques tergiversations, décidé de faire l’impasse sur « Ordinary corrupt human love », dont je trouvais le positionnement malheureux. Trop l’un, pas assez l’autre, un équilibre que je ne trouvais pas, je m’étais dis que je le réessaierai plus tard, et puis finalement, non, seul « Honeycomb » (le titre le plus black, d’ailleurs) avait mes suffrages. Suis-je donc prêt à sauter le pas ? « Shellstar » est effectivement un pur titre shoegaze, et le chant cette fois 100 % clair accompagne parfaitement (et même mieux) le spray de guitares abrasives noyées dans la réverb’. Il y a quelque chose de magique dans ce titre, on ne peut pas lui enlever. « In blur » est encore plus lumineuse, mais moins catchy. On arrive ensuite au premier single, « Great mass of colour », agréable titre dont il faudra attendre la conclusion pour voir apparaître les premiers éléments trahissant l’appartenance au metal extrême de Deafheaven. On pourrait d’ailleurs légitimement la question « était-ce bien nécessaire ? ». Parce que si c’est une manière de rassurer les fans en leur balançant un avant-goût mensonger, c’est pas cool, et si ça n’est pas le cas, ça n’est quand même pas représentatif de l’album. La deuxième vraie montée de tension, c’est à la fin de la très bonne « Other language » qu’on l’a, avec juste un riff bien plus tendu cette fois. Et la troisième, celle qu’on voit le moins venir (mais à la limite, la mieux gérée), à la fin de « Mombasa », à la fin trop abrupte. Trois seulement, est-ce suffisant ? Au vu de la teneur plutôt pacifiée de l’album, oui, d’autres ne seraient pas justifiées. Mais alors, est-ce que « Infinite granite » tient ses promesses tacites, celles de nous faire planer autant avec moins de haine ? Oui, ça peut marcher. Bon, un petit bémol peut-être, c’est la durée des morceaux, que je trouve parfois trop étirés, trop bavards. Mais globalement, qu’on accepte ou pas la mutation, on ne peut nier son élégance et son efficience.
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