Manuel Gagneux n’aime pas stagner, et se fait un malin plaisir de repousser toujours plus loin les limites de sa créature Zeal & Ardor, d’ailleurs trop vite ou opportunément qualifiée de « gospel black metal » il y a quelques années. Oh, pas de doute que le genre fasse partie de l’ADN du suisse, mais bien d’autres paramètres sont impliqués dans l’équation. Blues, rock fusion, soul, americana, rock indé, death, thrash… Et non, pas encore de hip-hop, même si la pochette peut évoquer celles de Run The Jewels. Zeal & Ardor n’est en fait ni plus ni moins que la digestion musicale de son créateur, et celui-ci a par ailleurs des appétits musicaux variés, et pas forcément assortis. On pourrait peut-être même parler de boulimie, car on a parfois, ici comme sur les précédents efforts du projet, l’impression de « gros foutoir », de lâchage sans vraiment de réflexion sur la forme ou sur l’articulation de l’ensemble. « Emersion » en est pour moi la représentation ultime : il arrive sans prévenir, et tombe un peu à plat, on peut même se demander si c’est une pub (y’en a d’autres qui n’ont pas payé leur abonnement premium ?). Et puis disparaît sans qu’on l’ait compris (ni qu’on le regrette) pour heureusement laisser sa place à un « Golden liar » plus académique (pour Z&A) et réussi. On reconnaît facilement les marqueurs de départ, ce mix blues / gospel et black, présent sur quelques passages / titres. Mais bon, ça fait longtemps qu’on sait que le monsieur a réussi le pari à l’origine de la naissance du projet, et à vrai dire pour ma part ce n’est plus ce que je viens chercher ici ; je veux juste savoir jusqu’où il portera le projet, quelles transgressions il sera capable de lui faire assumer. Ce disque éponyme ne me déçoit pas à ce niveau, même si parfois je trouve qu’il se repose un peu trop sur ses acquis… ou pas assez. Comme dit plus haut, si la plupart des titres restent passionnants, et présentent des idées inattendues, on ne peut échapper à un manque d’équilibre. Ce qui ne l’empêche pas de taper pile où il faut parfois, notamment avec un « Götterdämmerung » proprement énorme. Et en même temps, comment tu fait pour équilibrer un bouzin pareil ? Pas de réponse à ça de mon côté. En tout cas, voilà, ce nouvel album est toujours aussi inclassable et audacieux, et sa personnalité unique est un argument de poids pour que je continue à suivre de près Manuel Gagneux !
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