
J’ai la conviction profonde que des pires tragédies peuvent naître les plus belles choses. En matière d’art, et de musique en particulier, cela s’est souvent vérifié. Les norvégiens d’Ulver viennent de perdre leur claviériste et ami de longue date, Tore Ylwizaker. L’homme a d’ailleurs grandement participé à l’élaboration du son actuel du groupe. « Locusts », qui donne son titre à l’album, est l’un des deux qui ont été achevés avant le décès de Tore. On y retrouve le style typique du groupe ; une musique qui tend vers l’electro pop, avec un côté progressif, dramatique et sombre. Un très bon titre introductif, dont cependant on doute immédiatement de la pertinence de l’avoir placé là : à moins d’y trouver un titre plus fort, il aurait magnifiquement clos le disque. Ulver enchaine avec une « Nocturne #2 » plus ambiant electro, avant de repartir vers un titre encore plus pop avec une « Hollywood Babylon » qui intègre un groove inattendu. Mais « Forgive us » va même encore plus loin, avec son choeur déstabilisant d’évidence. « Nocturne #1 » est la suite (ou la préquelle ?) logique du 2e, cultivant la même atmosphère étrange. « A city in the skies » est une chanson un peu plus classique et bien plus immédiate que les autres. En comparaison, « Ghost entry » paraît un peu plus fade, même si elle fait preuve de la même patte mélodique et que le tout reste très homogène. En bonus, on a droit au remix de ce dernier titre par Autechre. Une collaboration exceptionnelle, idéalisée sur le papier, mais qui hélas n’atteint pas à mon sens le résultat escompté. Le bilan de cet album reste plus que positif, mais j’avoue que le style d’Ulver devient un peu trop pop pour moi. Plus que ça, je trouve qu’ils s’enchaînent de façon un peu trop « logique » ; ils y perdent un peu en impact, trop proches mélodiquement les uns des autres. Ulver a fait de sa force une faiblesse, en somme. Celle-ci ne lui fait pas encore top ombrage sur cet album, mais il ne faudrait pas qu’il en fasse une habitude.