
Les polonais de Trupa Trupa (dont le nom doit signifier quelque chose comme « bande de mort » ou « troupe de cadavre ») arrivent fièrement avec un sixième album sous le bras. Le groupe n’avait au départ pas forcément prévu d’attirer la lumière des projecteurs, mais il fut repéré d’abord par les inrockuptibles, puis par un journaliste outre-atlantique. Leur style, mélange de math rock, de noise, d’indie rock, de post rock et d’expérimental, ne se prête pas forcément à la fête et au partage. Et apparemment, l’enregistrement de ce nouvel opus les a plongé dans un abîme de noirceur encore plus prononcé. Ça se voit, d’ailleurs ; cet espèce de visage stylisé en artwork met assez mal à l’aise. Ça s’entend aussi : si l’introductif « Moving » ne me passionne pas, un peu trop indie pour moi, dès le second « Kwietnik » on est happé par une atmosphère étrange et pas rassurante. Plus loin elle est encore renforcée, et la bizarrerie gagne du terrain, un peu comme si chacun des musiciens suivait sa propre partition sans se soucier de ce que fait le voisin. C’est d’ailleurs un fait établi et reconnu par le groupe, ce côté libre et individualiste de sa musique : Trupa Trupa est un collectif de quatre fortes personnalités, et les gars ont apparemment trouvé l’idée de d’aller au bout de ses idées sans les museler plus séduisantes que les sempiternels compromis dus à la vie en communauté, fusse-t-elle musicale. Ce qui en découle ? Une œuvre pas toujours facile à suivre ou digeste, mais qui amène son lot de bons moments. Pour moi, ils se situent là où, quand même, le groupe est le plus en phase (« Far away », « Lit », « Kwietnik »), mais c’est sujet à discussion selon votre humeur ou votre sensibilité. En tout cas, « B flat A » n’est pas le disque de tout le monde et si sa carnation séduira plus les amateurs de rock des années 90, il reste une proposition honnête pour les amateurs d’univers barrés.