
J’avais boudé le premier album de Skygge, et ce même si j’étais intrigué par le résultat d’un tel projet. Laissez-moi resituer la chose si vous ne le savez pas : Skygge est le projet d’un homme seul mais accompagné. Cet homme, c’est Benoît Carré, musicien déjà connu par chez nous pour avoir participé à l’aventure Lilicub, mais qui a depuis travaillé dans l’ombre de son studio, expérimentant et créant à l’aide de machines et d’une ou plusieurs intelligences artificielles, l’assistant autant dans la création de mélodies que les arrangements des titres qu’on trouvait au sein du premier album du projet, « Hello world », en 2018. L’ombre, c’est la signification du nom de ce projet, se dessine ici de façon plus palpable, au travers de onze titres centrés sur la mélancolie. « Melancholia » pourrait tout à fait être abordé comme un disque d’electro / avant-garde lambda (même si, rien que ce descriptif peut difficilement être accolé au qualificatif « lambda »). Mais on se rend rapidement compte qu’il y a autre chose à l’oeuvre ici. Que si la patte de l’homme est encore tout à fait palpable, il y a autre chose. On est plongés dans un univers futuriste et complexe de par les sonorités nouvelles exprimées par les IA. Que ce soit des voix inhumaines utilisées de façon rythmique, mélodique, des croisements mélodiques improbables, des mutations et réinterprétations d’éléments déjà connus, tout ici est utilisé différemment. « Melancholia » pourrait tout à fait servir de base à un film d’anticipation tant chaque piste sonne irréelle et hors du temps, ou du moins de notre réalité. Selon l’aveu de l’intéressé, les titres qu’on peut trouver ici sont plus accessibles et moins expérimentaux que sur le premier album. Le fruit de l’expérience du musicien, de l’apprivoisement réciproque des partenaires. En tout cas le résultat est assez bluffant, qu’on y accroche ou pas ; la musique de Skygge est originale, imprévisible et assez riche en émotion. D’aucuns trouveront encore le résultat trop spécial et pop, mais quoi qu’il en soit (et malgré ce que j’avais pensé de la présentation du projet au premier opus), ça vaut le coup de laisser sa chance à cet album.