
Voilà des anglais qui cultivent un certain décalage. Le titre de cet album ne cadre en effet pas vraiment avec son contenu, et ça, on le comprend très vite. Les gars de Sheffield y mélangent le post punk et le rock gothique pour aboutir à des titres rugueux et orageux, au sein desquels des thèmes tels que la dépression ou la paranoïa ont toute latitude pour se développer. Moins aride que le post punk, moins théâtral et emphatique que le goth rock, Sheafs emprunte tout de même quelques tics de chacun et trace une voie médiane dans laquelle les fans des deux genres pourront se retrouver. Il faut dire que « A happy medium » est plutôt bien fichu. La tension permanente de la section rythmique est doublée d’un certain groove ; aucun risque de neurasthénie ici. La guitare lancinante typique nous rappelle où on est en permanence. La voix de Lawrence Feenstra est plutôt sobre ; à vrai dire parfois on aimerait même un coup d’éclat (ou de gueule), mais le monsieur reste dans le contrôle : c’est peut-être là le principal écueil du disque pour moi. On apprécie le mix, qui sonne à la fois rétro dans le traitement des instruments et moderne et clair dans celui de la voix, ce qui crée un contraste intéressant. Les titres sont bons, et parviennent à se faire une place sans vraiment d’éléments marquants (la structure basse / guitare / batterie / chant ne cherche pas à en mettre plein la vue). « A happy medium » est un bon premier opus, qui a le mérite de lancer le groupe dans la course sans susciter d’attentes démesurées pour la suite : Sheafs sera donc en bonne position pour nous surprendre et nous subjuguer pour son deuxième album !