Décidément, je croise souvent le beatmaker Mani Deiz en ce moment. Et autant il est efficace et posé en solo, autant il est un atout considérable pour ses collaborateurs dans le domaine hip-hop. Cette fois-ci, donc, c’est avec Lucio Bukowski qu’il s’associe le temps de 38 minutes d’un rap français de haute volée. Le spleen développé par les deux hommes s’accorde parfaitement, Lucio déroulant ses textes désabusés et lettrés sur les trip-hop subtil et pointilleux de Mani Deïz. Ce qui n’empêche pas, vous le savez si vous avez déjà croisé la route du lyonnais, les punchlines géniales et une certaine forme d’humour. De chansons, il n’en est pas vraiment question ici. C’est du rap, c’est sur. Mais comment le qualifier ? Conscient ? Pas vraiment. Oh si, des limites de ses congénères, des failles du système, du ridicule nombriliste du rap-game. Littéraire ? Assurément. Mais pas d’une façon pesante et prétentieuse. Lucio boxe avec les mots, les malmène, jongle avec les références, les sert sur un plat d’argent avec la tête rôtie des mc en carton qui pullulent. Dépressif ? Pas du tout. Certes, la noirceur de la plume peut s’apparenter à un Psykick Lyrikah ou au cynisme grinçant d’une Casey. Mais Lucio Bukowski a sa patte, et s’il est possible de trouver des similarités avec des camarades, ce « Chansons » reste unique en son genre et hautement recommandable à ceux qui préfèrent les perles rares aux perles de (sous) culture dans le rap français.
Lucio Bukowski / Mani Deïz : Eurêka