Certains albums sont comme une histoire d’amour. On s’y aventure sans trop y croire, parfois même à reculons. On leur accorde un peu d’attention, mais pas trop, de peur qu’un emballement, un engagement trop grand nous fasse paraître faible, stupide, cœur d’artichaut. Mais là, au fond, là où personne ne pénètre, où on a plus peur d’être soi-même, on n’aspire qu’à ressentir quelque chose de plus fort que nous, à perdre le contrôle, à être surpris, peu importe ce qu’il en coûtera. De l’amour, il en est largement question ici, comme sur la profonde « C’est ce qu’il nous faut », où Lorelei B, sœur de l’artiste, scande avec un aplomb touchant « l’amour c’est ce qu’il nous faut, il n’y a rien de plus beau que ce sentiment-là ». Mais c’est l’espoir qui caractérise vraiment ce disque-thérapie, où Keen’V livre son moi profond au travers de compositions, punchlines et textes d’une rare subtilité et finesse (« Conte de fée » et son « La fée lation c’est ma copine », mais aussi « J’étais bourré » et tellement d’autres que je ne peux tous les citer). La musique, elle, brasse large, universalise s’il en était besoin le propos du rouennais ; ragga, dance, chanson, pop, electro, les mélodies se parent de milles couleurs étincelantes pour mieux raisonner à l’infini. Une fois les treize titres de ce cinquième album terminés, les émotions se bousculent tellement dans ma tête qu’il me faut un peu de temps pour parvenir à lui trouver des qualificatifs adéquats. Concrètement, j’ai l’impression d’être passé dans une machine à laver programme essorage à 1200 tour/minutes pendant qu’un teletubbies me lobotomisait au couteau à beurre. Keen’V est Le Fléau de la musique, enfonçant les portes ouvertes et détruisant tout sur son passage. Je sais que ça part d’une bonne intention, et que ce garçon n’est pas méchant. Je sais aussi que comme pour le précédent, des palettes de « Saltimbanque » se vendront. Mais ce soir, plus encore qu’au lendemain d’une élection, j’ai peur du monde dans lequel je vis, car un plébiscite n’est pas comparable à un vote-rejet…
Keen’V : Dis-moi oui (Marina)