J’ai laissé passer de longues heures, puis des jours, avant de me lancer dans l’écoute de cet album surprise du futur ex retraité du rap ricain. Parce que, comme beaucoup, « Revival » m’avait pour le moins horrifié. Parce qu’il semblait rechercher un consensus mou, parce qu’il sous-exploitait les capacités du rapper, parce qu’il était mauvais, et puis c’est marre. Et ce « Kamikaze » a beau montrer patte blanche avec son hommage absolument pas caché aux Beastie Boys, il lui fait quand même suite assez rapidement. Mais c’est la magie du rap (et de la célébrité, aussi) : deux œuvres peuvent être radicalement différentes si le maître d’oeuvre a convié des architectes différents. Et ouf, c’est le cas ici. Eminem est revenu à ce qui l’a installé sur le trône : un flow nerveux, volontiers violent, des paroles offensantes pour, euh, à peu près tout le monde, un égotrip de cour de récré parfois, et une roublardise certaine. Celle-ci est ici caractérisée par un changement de ton, avec la disparition soudaine des influences pop et l’apparition d’éléments nouveaux (instrus et phrasés inspirés du trap, ou des récents succès du genre). Et tout ça est indéniablement très bénéfique à l’ambiance générale de ce disque. Dès la minimaliste « The ringer », Eminem sort les crocs. Et s’il fait parfois un pas de côté, histoire de passer le micro à quelques invités, c’est toujours lui qui mène la danse, jusqu’au libératoire « Venom » du futur film éponyme, tubesque en diable. « Kamikaze » est un disque réussi, comportant une majorité de titres forts (j’ai un peu de mal avec ceux de Jessie Reyez, mais soit), et que les fans déçus du bonhomme seraient bien avisés d’écouter. Enfin un retour gagnant !
Eminem : Fall
Eminem : Lucky you