
Faire du hip-hop en s’écartant du chemin arpenté et tellement incrusté dans le bitume qu’il ressemble à un tatouage permanent, ça devient de plus en plus exceptionnel. Ceschi est un rappeur du Connecticut qui va faire son marché un peu partout, y compris dans des genres populaires comme le r&b, le trap et la synthwave. Sauf qu’il ne le fait pas comme tout le monde. Et du coup, il s’est fait remarquer. Bon, ok, je suis certainement un peu long à la détente puisqu’il s’agit de son cinquième album. Pour ce disque, il bosse avec le producteur canadien Factor Chandelier. Bon, ceci dit, je ne sais pas vraiment qui apporte quoi dans le processus de composition et de production, mais le résultat est là ; « Sad, fat luck » est un disque d’une rare diversité et profondeur. Et on hésite même parfois à le qualifier de «hip-hop. Parce qu’ici, « indie » n’est pas un qualificatif posé là pour faire cool. Les influences pop, folk, electro s’y bousculent. Et c’est le mot. « Sad, fat luck » est bousculant. « Lost touch » qui ouvre la marche est déjà une expérience, avec son phrasé hip-hop et son refrain pop. Mais ce n’est qu’un premier pas. Assez vite, Ceschi prouve que sa voix est une arme qu’il modèle selon son bon plaisir, la faisant passer du phrasé rap supersonique aux nonchalances r&b en passant par la légèreté pop et le débit habité du slam. Ce n’est pas un disque qu’on peut apprivoiser du premier coup. Mais on peut l’apprécier par parcelles, des titres très énergiques qui pourraient être qualifiés de « single » (si on osait) à ceux bien trop barrés pour qu’on ose les qualifier de quoi que ce soit. En tout cas, voilà un disque qui fait voler en éclat les avis tranchés. Tu aimes le hip-hop ? Tu pourrais détester Ceschi. Tu le détestes ? Tu pourrais bien accrocher à ce disque. Aucun de ces deux choix ne se fera inconditionnellement. Peut-être même pas définitivement. Mais tu seras content d’avoir fait le voyage, quoi qu’il en soit.