Treize ans, même quand on est un énorme groupe comme Tool et qu’on a plein de side-projects, ça fait beaucoup. Alors quand on se pointe la gueule enfarinée après tout ce temps, on est forcément attendus au tournant ; pour ce « Fear inoculum », ce sera ça passe ou ça casse. De l’aveu même des musiciens, si ce disque a mis autant de temps à voir le jour (alors que le groupe bosse dessus depuis des années), c’est par peur de décevoir les fans. Mais quand on lance l’écoute du morceau-titre, on se dit : « tout ça pour ça ? » Oh, c’est loin d’être mauvais. On a même l’impression d’avoir, quoi, 12 ans de moins quand on se l’enfile. En fait, on a ici une suite logique, une continuité des efforts précédents, utilisant le même vocabulaire, les mêmes effets. Est-ce que c’est « assez » après toute cette attente ? Bonne question, à laquelle il existe autant de réponses que de personnes. Aujourd’hui, je vais juste vous livrer ma version. Comme d’habitude, à chaud, au risque de regretter mes dires par la suite. Et ma version, c’est « non ». Parce que pour un fan, se rendre compte que le groupe qu’il a kiffé a lui aussi vieilli, qu’il n’a plus la même fougue, la même puissance qu’avant, qu’il radote un peu, eh ben ça fait mal. Car si au moins une partie des membres de Tool redécouvrent probablement avec ce disque une forme musicale qu’ils n’avaient pas pratiqué depuis longtemps, le fan, lui, a toujours vécu avec Tool, vivant chaque nouvelle annonce trop vite avortée comme un coup de poignard… Qu’il ne peut soigner qu’au travers de l’écoute des disques du groupe. Le fan a vieilli aussi, il a probablement d’autres attentes, mais pour lui, Tool, c’est Tool. D’abord une voix, extraterrestre, capable de douceur trompeuse et d’explosions de puissance qui hérissent le poil. Et puis une basse qui serpente parmi des riffs qui doivent peut-être plus à l’arithmétique qu’au feeling, mais qu’on adore comme ça, et une batterie équilibriste et jazzy. Le tout au sein de titres labyrinthiques, progressifs, mutants. Et oui, d’accord, on retrouve une bonne partie de tous ses éléments ici. Mais dès le premier titre, on perçoit des différences. Peut-être imperceptibles pour les oreilles non aguerries, mais évidentes quand on connaît le groupe. Une élongation des titres, un peu vaine car sans réel enjeu ; si la tension est palpable, on n’est pas récompensé par une montée et une explosion de puissance. Dire que je suis frustré n’est pas peu. Bien sûr, certains titres donnent le change. Mais la plupart du temps, je leur trouve des longueurs complètement inutiles ; réduits du tiers ou de moitié, ils auraient eu plus d’impact et de magie. Quelques nouveautés judicieusement placées (ou pas, d’ailleurs) ne suffisent pas à masquer le désarroi du combo, coincé dans un déstructuration bien pensée, prisonnier d’un style qui a libéré sa créativité et la bride à présent. Libre à vous de ne pas être d’accord. Moi, pour l’instant, je retourne écouter « Lateralus » et « 10000 days ».
by Dyvvlad