
Plus de 10 ans après « Tout brûle déjà », La rumeur se demande « Comment rester propre ? » dans ce monde gris cendre. Le flow toujours bien posé et assuré, le verbe acerbe et affuté, cette volonté de ne jamais se plier aux diktats musicaux du moment,on retrouve tout ça avec un plaisir intact. Les instrus sont gorgés de beats et gimmicks electro sur lesquels les mc posent leurs textes amers et sombres, et tout s’accorde assez bien. Plus grands frères que jamais, Ekoué, Hamé et Philippe alias Le Bavar se font les Audiards du rap français, regardent les jeunes s’abîmer dans des habitudes qu’ils pensent être des canots de sauvetage, témoins d’un naufrage consenti et généralisé. On aurait tôt fait de les traiter de vieux cons, et peut-être le sont-ils, un peu, comme nous tous d’ailleurs, à partir du moment où on passe la barre des ans, celle sous laquelle on refuse de se plier pour passer, à partir du moment où on se rend compte que passer par-dessus ne constitue pas un handicap social mais plutôt un moyen de tout voir de plus haut. Plus que jamais, La Rumeur est outsider, ne court pas dans le peloton de tête, prépare plutôt celui d’exécution. Le groupe prend un malin plaisir à être ce qui brille par son absence sous les projecteurs, ce qui se situe dans l’angle mort, un torticolis du hip-hop. Le style de La Rumeur n’ira pas à tous, ses plumes seront inaccessibles à ceux qui sont tombés du nid, et s’il ne le revendique pas, le groupe revêt peu à peu un manteau élitiste qui va à l’encontre de ses préceptes. Mais c’est sa manière à lui de rester propre, et à l’écoute de pépites comme «Nébuleuse », « Comment rester propre ? », « Un gosse à la fenêtre » ou « Ne faisons pas comme si on avait 20 ans », on ne le blâmera pas !