Que vous connaissiez ou pas le groupe, rien qu’avec son nom, on devine chez Kayo Dot un certain goût pour l’aventure et l’originalité. Ceci dit, quand on connaît le groupe, on sait qu’on est encore loin du compte. La formation américaine de presque vingt ans d’âge a toujours été adepte du changement. Très franchement, lui donner une couleur musicale dominante est un casse-tête. Peut-être pourrait-on avancer le terme de « progressif » ? Pour ce disque, en tout cas, on peut décrire la chose comme beaucoup plus rock qu’avant ; les influences metal ne surnagent que peu. Si blasphème il y a, c’est au niveau structurel et logique des titres peut-être : Kayo Dot est libre, et se fout complètement des règles, des formats, de la logique. « Blasphemy » joue en permanence les équilibristes, et il est quasi-impossible de parvenir à le comprendre et l’apprécier dès la première écoute. Il est cependant assez inacceptable de le rejeter, tant il fait preuve d’intelligence, de subtilité, de génie. Kayo Dot emprunte à tous les genres pour élaborer un propos réellement universaliste. Pour autant, si on peut trouver ça et là des éléments disparates familiers, des tournures plus écoutables, on a pas le temps de s’y accrocher qu’autre chose vient nous faire vaciller, nous mettre en danger. Se mettre en danger, c’est le propre de Kayo Dot, qui tient, c’est toujours plus vrai en avançant dans l’âge, à façonner son propre langage musical, sous la forme d’une galaxie boulimique et en mouvement perpétuel. Ce qui impressionne également, c’est la faculté des musiciens à travailler ensemble et parvenir à des compromis au sein d’une œuvre si complexe et riche, sans que l’un d’eux parte en claquant la porte. Car si de prime abord, ce neuvième album paraît plus accessible et soft que les précédents, après une écoute attentive, on a aucun mal à se convaincre qu’il n’en est rien. Avant-gardiste, expérimental, « Blasphemy » l’est tout autant. C’est une oeuvre exigeante qui restera inaccessible à beaucoup. Mais ne pas essayer de l’apprivoiser serait dommage !