Hvile I Kaos est un projet assez unique qui traîne derrière lui 13 années de carrière. Dommage, c’est à l’heure de son ultime album que je découvre le one-man band. Si la graphie de « Lower order manifestation » ne laisse aucun doute concernant la sensibilité de ses musiciens, le résultat est bien plus déstabilisant. En effet, hormis parfois des voix (purement illustratives, vous ne trouverez pas de chant ici) qui sonnent plus menaçantes, on ne peut pas rapprocher le contenu de ces huit titres du metal extrême, ni du metal tout court. Principalement acoustique, instrumental et centré autour d’un violoncelle, l’art du groupe est décrit comme de la musique de chambre sombre… et c’est plutôt juste. Si l’inspiration thématique principale du compositeur Kakophonix reste l’occultisme, musicalement les choses sont bien plus variées. Intense, dramatique, belle, majestueuse, poétique, la musique de ce chant du cygne fait, n’en déplaise à son auteur, bien plus que de « transposer l’atmosphère et l’intention du black metal dans une nouvelle sphère sonore ». Et je dirais même plus ; la noirceur est ici assez subjective, et je reste persuadé que les huit titres de ce disque, présentés autrement, façon CV anonyme, pourraient tout à fait être appréciés par un public folk ou neo classique qu’ils ne vont pas titiller aujourd’hui. On ne peut pas parler de virtuosité, bien qu’on perçoive sans mal la maîtrise des cordes, exprimée dans la mesure et la sobriété. De musique de chambre, il en est question bien sûr, mais le folk n’est pas loin, et les titres sont construits avec l’idée de créer pas seulement de l’émotion, mais d’invoquer des esprits, des tableaux plus vivants que nature. Certains motifs peuvent évoquer des paysages lointains, et dans ce cas on a l’impression de découvrir la musique de ces contrées inconnues. La tension fait bien sûr également partie du jeu, mais si elle est sous-jacente en permanence, elle n’occulte pas de purs moments de beauté comme sur la finale « Verity thy path ». Il est donc évident que Hvile I Kaos a fait en sorte que cette œuvre finale soit la plus mémorable possible, et le projet tire sa révérence avec panache et classe ici.
