Dans la vie, il paraît que chacun a droit à son quart d’heure de gloire. Gringe, comparse historique d’Orelsan, a vu ce dernier accéder à une gloire certes bien méritée, mais dont il n’a grignoté que quelques parcelles, lui qui a participé tout autant à l’aventure Casseurs Flowters, à l’excellent « Comment c’est loin » et au développement de l’aspect désabusé et dixième degré de cet univers tout entier. Et il avoue d’ailleurs sans mal que le côté glandeur n’était pas un leurre. Ce premier album, et surtout sa gestation éléphantesque en est la preuve. Mais « L’enfant lune » ne se contente pas d’être une confirmation du talent et des parti-pris de Gringe déjà connus ; il va plus loin, et surtout plus profond. Car Gringe ne veut pas être un archétype, ni éternellement une photo de lui-même prise à un instant T. Il est un être complexe, humain, avec ses doutes, ses faiblesses, ses imperfections, et chacune d’elles, qu’elles le servent ou le desservent dans la vie, lui ont apporté la matière pour ce disque. On retrouve le phrasé typique du bonhomme, son obsession pour certains thèmes (les relations hommes / femmes, l’adultère, l’oisiveté, les paradis artificiels). On trouve aussi des productions assez sobres, ni old school ni trap, avec des basses bien profondes et quelques samples bien placés. Et enfin, des featurings sympathiques qui amènent quelques nuances au bleu ambiant. « L’enfant lune » est un disque qui fait peu de cas du rap game et de ses codes. Gringe y dissèque sa vie, ses travers, ses coups bas et ses coups durs. On aime ou on aime pas, mais pas de faux-semblants ici, et Gringe n’emploie pas non plus un style trop clinquant ou surjoué. C’est un peu d’ailleurs le reproche que je ferais à « L’enfant lune » ; un peu trop homogènes, ses titres se confondent, chacun étant le cousin consanguin de l’autre ou presque. Après, tous sont très corrects, alors pourquoi pas ? Ça s’appelle de la constance non ?