Gringe a depuis longtemps une relation à distance avec le rap. Il l’enlace, il le quitte, y revient mais pas complètement, et puis si, et puis non, et puis quoi ? « L’enfant lune » en avait dit un peu, mais pas assez, et peut-être pas de la bonne façon. Gringe, c’est un peu le côté sombre du collectif Casseurs Flowters, et il a forcément plus de mal à prendre la lumière. En partie aussi parce qu’il ne la cherche pas vraiment. On sent que c’est le mec qui a besoin d’être poussé pour monter sur scène. « Hypersensible », c’est un peu ça. L’album profite de productions assez énormes et très variées. On est loin de la sobriété du premier album solo. Et c’est mieux ; les textes désabusés et impudiques de Gringe semblent y prendre un espace qu’ils n’avaient fait que frôler jusqu’ici. Bon, ce qui me dérange un peu, c’est que l’univers mélancolique et les explosions mélodiques me rappellent un peu trop le frangin Orelsan. La voix, bien sûr, marque la différence. Les textes plus sombres aussi. Mais pour moi, les deux univers sont parallèles, un peu trop peut-être. Les trois premiers titres « Fake ID », « Du plomb » et « Effet de surplomb » sont immédiats, puissants, imparables. « Xan » se fait un peu moins franc ; je passe à côté. « Feelings », le titre tant attendu avec Orelsan, déçoit un peu ; on est clairement sur un split plutôt qu’un duo, autant dans la forme que dans le fond. « Au revoir BB » et « Corde sensible » me rappellent un peu le premier album aussi avec leur côté plus soft et intimiste. « Nuits fauves » remonte la pente, et sert de tremplin à l’étrange et attachante « Confessions d’un hypersensible ». « Boomer » et ses couleurs plus roots me plaît bien, « Bad mood » est également une créature sauvage qu’on se plaît à vouloir domestiquer. Je passe de nouveau à côté de l’interlude « Pensées positives » et « Une nuance au-dessus du noir », et me rattrape sur « Couler des jours heureux », sa très belle partie de piano et son texte touchant. Au final, ce nouvel album, même s’il est également inconstant, reste une bien meilleure copie que son disque précédent, et marque une progression nette pour Gringe.
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