
Chroniquer un disque de dubstep n’est pas vraiment dans mes cordes. Je n’ai pas de points de comparaison, pas le vocabulaire, aucune expérience de la scène. Mais pourquoi je le fais alors ? Parce que je n’ai pas non plus de gêne à me lancer dans un exercice nouveau. Et puis aussi parce que j’ai envie de parler de ce bon petit disque electro tout juste sorti. Alors oui, on pourrait arguer que « Feed me » porte bien son nom, que c’est du consommable, du vite mâché vite digéré, que ce n’est pas le genre de disque qu’on va se repasser des années durant sans se lasser. Il est vrai que les techniques utilisées ici, aussi bien maîtrisées et chronophages (niveau apprentissage, car ne nous voilons pas la face, il y a derrière ce type d’album un bon gros boulot aussi) soient-elles, vieilliront peut-être plus vite qu’ailleurs. Parce que Jon Gooch alias Feed Me est un dj qui aime à apporter de nouvelles choses à sa musique en permanence : sonorités, machines, structures, gimmicks succèdent ainsi les uns aux autres sans se retourner. Ce qui ne signifie pas qu’il prend celle-ci à la légère ; bien au contraire, il a même parfois décidé de faire des pauses afin de faire un point d’étape et déterminer de quelle manière il souhaitait et pouvait continuer à proposer quelque chose de qualitatif et novateur. Mais c’est justement cette volonté de ne jamais « tourner en rond » (difficile pour un dj ?) qui rend ce type de musique plus ancrée dans son époque, moins en recherche d’une universalité ou d’une intemporalité. Bref, passons ces considérations et attaquons-nous à « Feed me », le disque. La bête compte onze titres pour un peu plus de quarante minutes. Chacun porte un motif mélodique fort, et l’ensemble est même porteur d’une identité visuelle commune (très sympathique et appréciable). Dubstep, house, drum n’ bass, electro pop, rock, synthwave, chiptune, ambiant, ici de nombreux genres sont concassés, acidifiés, remodelés pour donner naissance à un hybride accrocheur et assez frais, qui prend un malin plaisir à insérer au sein de motifs déjà connus des changements de rythmes, des gimmicks inattendus qui contribuent à nous y faire passer un moment plus que récréatif. Est-ce que « Feed me » est moins bon ou meilleur qu’un Deadmaus ou qu’un Skrillex ? Je ne saurais le dire ; il est peut-être moins immédiat, moins percussif. Mais ça reste bien équilibré dans l’ensemble.