En 2020, l’ep « Poigne » implantait le groupe breton dans une sorte de post metal industriel à la fois malaisant et grandiose. Toutefois, l’ensemble sonnait encore assez artisanal, un peu trop noisy. « Perdition » a, semble-t-il, retenu les leçons de ces années. Fange avance ici un style bien plus produit, qui pour autant ne fait pas une croix sur les sonorités harsh indus des débuts. On retrouve toujours ce chant aboyé et ces textes désabusés et cyniques qui font une bonne partie de la personnalité du groupe, mais les riffs electro-industriels sont bien plus hachés et l’ambiance y gagne en impact. C’est avec un grand plaisir que je découvre que « La haine » n’est pas une création du groupe mais bien la reprise du titre de Bernard Lavilliers. A ceux qui rigolent en le lisant, sachez que c’est l’un des titres les plus sombres du monsieur, bien loin de la période salsa plus récente…Je vous encourage d’ailleurs à comparer cette relecture avec l’originale ! Elle est suivie de près par « Lèche-béton », qui, outre un autre nom délicieux, est l’un des titres de Fange les plus mélodiques. Certes, ça ne s’entend pas vraiment au départ, mais la fin du titre est éloquente et édifiante. Et excellente aussi ; elle allie puissance et accroche pour un résultat détonnant qui laisse entrevoir un futur incroyable. Cet album nous amène aussi Pencey Sloe pour une « Désunion sacrée » qui appuie encore sur le côté malsain et l’équilibre précaire entre horreur et réalité, et Lodges pour une « Toute honte bue » qui fait transpercer un peu d’humanité dans le mélange. Moi qui ai raté « Privation » l’an dernier, me voici rassuré ; Fange n’a rien perdu de sa personnalité, et continue d’arborer un sourire carnassier et cruel à la face de ses détracteurs et du monde entier. Définitivement pas un groupe pour tout le monde, mais qui continue à évoluer dans le bon sens et dont le caractère unique peut vraiment enorgueillir la scène metal française.
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