
Je ne suis toujours pas remis de la monumentale claque prise avec le précédent album de Clipping et surtout de « Nothing is safe », merveille de noirceur, créativité, rythme et ambiance. C’est bien simple, ce titre s’est immédiatement placé parmi mes titres préférés de hip-hop, tous sous-genres et époques confondus. Ce nouvel album à la pochette en forme de clin d’oeil bien appuyé au précédent suit donc les mêmes traces : celui d’un hip hop volontiers expérimental, tordu, malsain dans ses thèmes. Miam. Bien sûr, la découverte d’un nouvel album du projet a un prix ; il faut s’accrocher, y revenir, c’est quelque chose qui se mérite et qui se déguste. Ce nouvel album est une nouvelle fois caractérisé par une tension et une violence sourde : c’est une créature vicieuse, patiente et brutale. Ce qu’on comprend vite dès l’entame du disque, avec une « Intro » particulièrement retorse et malsaine. « Say the name » avance pas à pas jusqu’à un final puissant et explosif. Suit une interlude dont le gimmick aurait bien pu intégrer un titre plus significatif (« Wytchboard »), un featuring bien musclé (« ’96 Neve Campbell »), et les classiques titres chelous et percussifs qui servent surtout à démontrer l’élasticité du flow de Daveed Diggs. Bon, ce qui me dérange un peu ici, c’est qu’il sont nombreux sinon majoritaires. L’album est encore plus raide que le précédent, et je trouve ça dommage qu’à force de vouloir pousser le concept à son paroxysme, Clipping repousse ne serait-ce qu’une infime dose mélodique qui lui permettrait de faire passer plus facilement ses titres et leur conférer une réelle aura horrifique. Parce que, quand il s’en donne la peine, sur « Check the lock », « Pain everyday », « Looking like meat » et, à la limite, « Enlacing », on y voit plus clair, et on a moins de mal à les avoir, ces « Visions of bodies being burned ». Alors oui, je reste frustré de ne pas avoir droit ici à mon grand frisson comme sur le disque précédent. Et si je trouve que Clipping est toujours un collectif d’une force et d’une créativité folle, je pense que sa vision va un peu à rebours de sa musicalité.