Qu’est-ce qui est arrivé aux portes de l’Europe ces derniers mois ? La guerre, bien sûr. Ce « Gates of Europe » du très productif Jérôme Reuter alias Rome s’attarde cette fois sur le conflit opposant l’Ukraine à la Russie. On le comprendra aisément, pour l’occasion il laisse un peu de côté son cynisme pour aborder les sujets de façon plus directe. Le musicien n’a jamais caché son soutien à l’Ukraine, et l’a de plus ouvertement exprimé à plusieurs reprises dans le passé, avant même 2022. Côté style, on s’en doute, pas de changements majeurs ici, on retrouve le dark folk aux accents graves et cold wave qu’on apprécie déjà. Les 14 nouveaux titres continuent d’allier, comme sur les albums les plus récents, des mélodies plus pop et accrocheuses à une noirceur de ton et une dramaturgie qui n’appartiennent qu’à Rome. Si l’ambiance est bien moins martiale et plus intimiste que sur les albums précédents, on retrouve le Rome d’antan le temps de « Eagles of the trident » dont on se demande même ce qu’elle fait là. C’est triste de voir à quel point Jérôme Reuter est ici dans son élément… Lui qui a consacré des albums entiers à nous décrire les dangers et horreurs de la guerre, le voici presque en première ligne (il a été l’un des premiers à donner des concerts en Ukraine) pour constater le caractère vain de ses mises en garde. Les chansons qu’il enchaîne ici sonnent comme des requiems pour la paix. Mais dans l’ombre de ce désespoir et cette amertume affichées, se cache bien sûr encore la volonté de lutter et de survivre à tout ça, au moins pour témoigner. Belle œuvre.
