A l’heure où le rap francophone semble faire la course à l’exécrable en terme de textes et de variété, et même si l’espoir persiste (Youssef Swatts finaliste d’un truc que j’ai pas regardé, c’est encourageant), peut-être est-il temps de regarder ailleurs ce qui se passe. Aujourd’hui donc, on part en Italie découvrir Mezzosangue, alias Luca Ferrazzi, rappeur romain ayant déjà fait ses preuves dans un genre à la fois agressif et lettré. « Musica cicatrene » (soit « musique de cicatrices ») est le quatrième album du monsieur, qui fait du rap depuis vingt ans, mais avait déjà pratiqué la musique (piano et guitare) avant ça. On a donc ici de l’expérience, de la musicalité, de la recherche dans les textes, du flow et une forte volonté de rester indépendant et de dissocier l’homme de l’artiste, ce qui explique le port du passe-montagne en permanence (chose d’ailleurs bien stylisée sur cet artwork). Il le dit d’ailleurs lui-même ; «en-dessous il n’y a ici aucun visage, aucun nom, juste une idée qui parle ». J’ai la chance d’être assez à l’aise en italien pour comprendre les textes, la plupart du temps à l’oral mais aussi à l’écrit, je peux donc attester qu’ici, on est loin du plus gros vendeur rap français, si vous me suivez. Les paroles explorent des questions ethiques, ésotériques ou philosophiques, en même temps que les habituelles attaques contre la société et les parties plus egotrip. Ce qui est agréable, c’est que le rappeur ne se la joue pas gangsta, ne se la joue pas tout court. Musicalement, Mezzosangue s’éloigne un peu aussi des habitudes « d’ici » en installant des sonorités plus electro mâtinées de mélancolie et de noirceur, et même si vous n’êtes pas italophone, il y a fort à parier que des titres aussi maîtrisés et efficaces que « Esistenzialismo », « Mezzosangue », « Nevermind », « Secondo medioevo » ou même la plus pop « Piove musica » avec la jolie voix de Gaia parviennent à vous convaincre. « Musica cicatrene » est la preuve que l’esprit du hip-hop n’est pas mort !
