
J’avais bien aimé « Sous France », le premier album du havrais Brav en 2015. Sauf que depuis, j’ai un peu beaucoup perdu de vue le chanteur / rappeur. Il est vrai que si je trouvais son mélange chanson / electro / rap vraiment intéressant, ce n’était pas complètement mon univers. Quelques années plus tard, malheureusement, je le retrouve à peu près au même endroit. Il a peut-être gagné un peu en notoriété, mais pas tant que ça, et il ironise lui-même du fait de ne pas être écouté. Pourtant, son style et son écriture se sont affinés, affirmés. Mais voilà, Brav est toujours, et peut-être encore plus, l’archétype de l’artiste qui divise par ses choix. Parce que sa voix rappelle autant son voisin Médine que Jacques Brel ou Stromae. Parce que son écriture entre storytelling, poésie et slam écorche plus qu’elle n’émerveille ; la grisaille de Paris a remplacé celle du Havre, mais l’encre est toujours aussi noire. Parce que son style original et personnel s’adresse surtout à lui-même, et qu’il sera difficile de s’y raccrocher pour le quidam, même si les mélodies et les rythmes vont l’y aider. « Café crève » est encore une fois un melting pot désabusé. Brav y emmène une tripotée d’invités plus ou moins attendus : Shy’m, Youssef Swatt’s, le trompettiste Ludovic Louis, le chanteur Josia, la chanteuse Cäroline, le compositeur Matthieu Mendes. « Café crève », comme son nom l’indique, c’est une musique de malaise, celle d’une époque qui n’en finit plus de vouloir se démarquer des autres et finit par se perdre. « Café crève », c’est des histoires de brisures ; vies, espoirs, promesses, rêves, tout finit dans le même sac à ordures. Si je n’adhère pas à tout, et spécialement parfois au traitement vocal, quelques titres sont de véritables tours de force : « S.O.S. », « Djidji » (une version plus actuelle du « Manu » de Renaud, idole du chanteur), « Ailleurs », « Liverpool », « Cours » (même si elle sonne plus pop). Difficile à classer, Brav reste et restera probablement un outsider, un incompris du grand public. Pas grave, ce n’est pas à lui que l’album est destiné, mais à toutes les gueules cassées, à ceux qui regardent le monde de côté, parce que si on le regarde en face, il nous voit aussi. Si vous en êtes, alors vous trouverez au moins quelques titres qui feront écho en vous, et justifieront le fait que Brav reste debout sous les tirs fournis de l’adversité.