
Accoucher d’un style vraiment très personnel et original, c’est quand même assez rare de nos jours. C’est pourtant ce qu’a réussi à faire No Terror In The Bang avec ce deuxième album (peut-être qu’avec le premier aussi, mais je n’étais pas sur les rangs lors de la sortie d’« Eclosion »). Et là où on peut se réjouir, c’est que le sextet est français. Eh ouais, de Rouen, ma gueule ! Trêve de chauvinisme. No Terror In The Bang (dont le nom provient d’une citation d’Alfred Hitchcock) développe un style hybride qu’il qualifie de metal progressif cinématique. Ce qui n’est pas déconnant lorsqu’on parcourt les allées sinueuses et angoissantes de « Heal ». Le style emprunte au metal moderne ses accès de rage metalcore et des sonorités post metal, qui doivent aussi beaucoup (rendons à César ce qui appartient à César) à la scène française ; on ne va pas oublier que le compositeur principal a fricoté avec Carnival In Coal, Pin-Up Went Down et Void Paradigm ! Mais ce qui fait vraiment la particularité du combo, c’est que ces éléments metal sont contrebalancés par une bonne dose d’ambiances déviantes / menaçantes effectivement très cinématographiques et progressives où tout est permis ; la féérie, la poésie, l’horreur, le drame, et avec ça une palette musicale assez large aussi. Tout ça n’est rendu possible que par l’ouverture d’esprit et de jeu de l’ensemble des musiciens, et de la vocaliste Sofia Bortoluzzi aux capacités assez larges, du chant lyrique au scream le plus féroce (même si, décidément, c’est un registre que je préfère plus grave et rugueux que ce que la tessiture de la dame lui permet). La mise en scène des morceaux est exemplaire, d’autant plus qu’elle ne suit pas un schéma classique mais se fait volontiers lunatique, versatile et imprévisible. Le revers de tout ça, c’est que « Heal » est aussi absorbant qu’alambiqué, et que donc il peut s’avérer difficile à suivre et à comprendre à la première écoute. Et ça, ça veut dire que le disque bénéficiera de multiples écoutes et que le style si particulier de No Terror In The Bang parviendra de cette façon à se faire un chemin chez les plus persévérants uniquement, ou au moins ceux qui y décèleront dès le départ le côté « génie créatif » qui fait défaut à tant d’autres productions. On ne peut qu’encourager la formation à développer encore cet univers et souhaiter qu’il parvienne à amalgamer encore mieux les composantes de sa personnalité, et surtout dispose de moyens plus importants pour le faire ; avec un orchestre, sa musique aurait de la gueule ! A suivre donc, mais sans attendre, puisque « Heal » est déjà assez énorme !