
Seth a toujours eu le goût de la provocation, et ce n’est pas la pochette de cet album de come-back, sept ans après le précédent, qui vous dira le contraire. Si le titre blasphématoire n’était pas suffisant, cette pochette montre Notre-Dame de Paris en flammes, comme le symbole de la destruction de la flamboyance religieuse dans notre pays, et plus généralement dans le monde. Il faut dire que le message a toujours eu de l’importance pour les girondins ; loin d’être une caricature de groupe de black metal (car oui, c’est bien de ça dont il s’agit, pour ceux qui en doutaient encore), la formation s’est attachée à vivre et faire vivre son art au travers de chaque parcelle de son existence ; musique, paroles (en français dans le texte, soignées dans la forme), et représentation visuelle. « La morsure du christ » est annoncé comme une suite logique, vingt ans plus tard, à « Les blessures de l’âme », premier album du groupe. Au programme donc, un black metal cru très typé nineties, aux paroles vociférées cette fois par Saint Vincent (Vorkreist), aux vocaux assez proches de ceux de Vicomte Vampyr Arkames qui officiait sur le premier opus, mais mieux articulés, plus compréhensibles. Est-ce que ça suffit à ce qu’une oreille aguerrie capte les textes cette fois écrits en alexandrins? Pas toujours, mais souvent. Mais le changement qui frappe le plus, c’est dans la richesse des ambiances, bien mises en valeur par les claviers de Pierre le Pape, nouveau venu qui n’a pas chômé ; si vous choppez la version collector de l’album, délectez-vous donc particulièrement de la version synthé de « Les océans du vide », ça vaut le coup. Chaque pièce présente différentes variations d’intensité, et si la base reste un black metal direct et brutal, la mélodie reste prépondérante sur chaque titre, et on n’a jamais l’impression de se prendre un choc frontal ; « La morsure du christ » est plus insidieux, plus subtil, et alterne attaques, accalmies, up et mid tempo. La production rend parfaitement hommage au son de l’époque tout en le rendant plus compacte et plus clair, ce qui renforce encore le côté majestueux (impérial ?) des morceaux. Ceux-ci, au nombre de sept (forcément), n’hésitent pas à prendre leur temps pour se développer. A ce titre, l’acte trois de « Hymne au vampire » est une réussite éclatante, à la fois dramatique, intense et cinématographique. J’avoue que je ne suis pas toujours nostalgique des disques de l’époque, et pas forcément sensible au chant francophone dans le black. Mais ici, je trouve que trouve que tout prend du sens. Seth a réussi son pari haut la main ; avec des titres comme ceux-ci, il a balayé sans mal doutes et craintes chez moi.