
Le doom metal à haute teneur en shoegaze de King Woman m’avait bien plu en 2017 avec son album « Created in the image of suffering », alors m’en remettre une dose aujourd’hui n’avait rien pour me déplaire. Comme sur le premier, le feeling des titres est plutôt extatique, éthéré, comme si, touristes d’un nouveau genre, on traversait les plaines de l’enfer dans un bus de hippies, assistant à l’horreur à travers des carreaux sales et dans un état second. De diable, il en est d’ailleurs largement question ici, la chanteuse semblant encore plus décidée à régler ses comptes avec la religion chrétienne dans laquelle elle a baigné une bonne partie de son enfance. Et sans aller jusqu’à parler de black metal, quelques intonations se font bien plus effrayantes et menaçantes. Mais les riffs ne leur font pas souvent écho : on se situe toujours dans un univers très empreint de shoegaze, que de gros riffs sludge doom et des motifs grungy viennent agrémenter à l’occasion. Certes, l’esthétique générale est très doom, mais dans le détail, « Celestial blues » et par extension, King Woman, est bien plus complexe et fuyant que ça. J’avoue qu’avant d’y venir, je m’étais dit qu’à force, le mélange aurait pu me fatiguer, d’autant plus que la voix de la chanteuse a beau être unique, elle n’est (volontairement) pas très expressive. Et puis finalement, si quelques passages sont certes un peu en-dessous, King Woman est toujours capable d’hypnotiser par son amalgame de lassitude, de désespoir et de chamanisme pur. Ses refrains, souvent en forme de litanies, y jouent un rôle certain. On a souvent cette impression de circumambulation au sein des titres, un côté un peu rituel, et Kristina tient son rôle de gourou à la perfection, que ce soit dans le geste que dans la parole, sirène au sens littéral du terme (rappelons qu’une sirène est l’union d’un déchu et d’une humaine) qui nous entraîne par le fond à chacune de ses interventions. Belle suite donc.