
Greg Dulli n’a jamais été avare de musique avec ses fans. Mais de projet en projet, peu importe avec qui il collaborait, on retrouvait les mêmes stigmates ; ceux d’un sauveur du rock, qui s’alimentait aux mamelles des musique noires américaines, soul en tête, pour créer un hybride magique. Et si la forme pouvait alors s’en trouver légèrement modifiée, le goût, lui, n’en était jamais altéré : on retrouvait sur un Dulli tout ce qui faisait d’un Dulli un Dulli. Sauf que ce n’était jamais vraiment un Dulli. Après des années de carrière haletante, voici que le bonhomme décide de se lancer dans une vraie première aventure solo. Doit-on alors s’attendre à le trouver transfiguré, à le voir sortir de sa zone de confort ? Eh bien, après avoir écouté ce « Random desire », je suis obligé de vous faire une réponse de normand ; oui et non. Oui, parce qu’objectivement, ce disque est plus ouvert, aventureux et diversifié que toutes ses sorties précédentes. Non, parce qu’on y retrouve aussi chaque élément, et presque chaque période de la vie musicale du bonhomme. D’ailleurs, la pochette me crie « I’ll get the car, you get the match, and gasoline… », pas vous ? Un bilan, quoi, faisant le point sur ce qui a été fait et se projetant un peu sur les possibilités futures. Et quelles sont-elles ? Et bien, ici, Dulli sait se faire plus léger (« plus », pas léger tout court, rassurez-vous), plus pop, moins typé nineties. Plus moderne, en somme. Et cette ouverture, on la ressent aussi dans sa façon de chanter. C’est assez déstabilisant d’ailleurs pour un fan de la première heure ; sur ce disque, j’ai l’impression que Greg Dulli a passé la cinquantaine… Effectivement, c’est le cas, mais je ne l’avais jamais entendu avant ; moins perdue sous les effets et les guitares, sa voix ressort. C’est encore trop frais, je ne sais pas si ça me touche ou si ça me dérange. Hormis cela, il sait toujours écrire des chansons d’une redoutable efficacité ; « Sempre », « The tide », « Scorpio », « It falls apart », « Black moon »… En fait, chaque titre possède quelque chose de fort, que ce soit dans l’émotion, l’énergie, l’orchestration. « Random desire » et ses atmosphères changeantes sera moins immédiat à cerner que les autres œuvres de Dulli. Mais il montre un appétit toujours renouvelé de son auteur pour son art, et qui n’est pas prêt de raccrocher les gants !