Godspeed You Black Emperor, représentant d’un genre qui ne lui avait rien demandé et à qui il n’a rien demandé non plus, semble, malgré sa pause de dix ans entre 2002 et 2012, avoir toujours été là. C’est l’apanage des grands groupes, ceux qui ont su développer un univers unique et foisonnant, pondre des albums puissamment complexes et pourtant immédiatement percutants. La progression mélodique, c’est ce qui a toujours caractérisé la formation canadienne. Et ce cinquième album ne fait pas exception à la règle. Ce que je n’avais pas vu venir en revanche, c’est le changement qui c’est produit subrepticement. Le groupe ne s’est pas calmé. Il va ici plus loin, il joue plus fort, il pousse tous les potards un cran au-dessus. Et l’équilibre dans tout ça ? Il est fragile, indubitablement. Quatre titres. Deux centraux qui jouent la carte du drone, de la recherche d’ambiance, de l’installation d’une forme d’inquiétude. Et à la périphérie, ceux qui sont de loin les plus intéressants. « Peasantry or light inside of light ! » amène l’orient et le doom / sludge dans l’équation, puis embraye sur une note beaucoup plus légère, conjuguant riff et violon, pour aboutir sur une partie plus classique. « Piss crowns are trebled » suit un schéma à peu près analogue tout en restant moins réussi, plus conforme à ce qu’on attend du groupe, un poil trop redondant. Et pourtant, l’ensemble fonctionne, car ce qu’on en retient, c’est le mariage de la nouveauté et de la tradition, la capacité du groupe à se renouveler. Pour autant, ce nouvel album reste pour moi un peu trop timoré et précautionneux pour me convaincre à 100%.