L’artwork de ce nouvel et deuxième album de Casey, fine plume du hip-hop dont les fréquentations parlent pour elle (La Rumeur, Serge Teyssot-Gay), est peuplé de saleté, de noirceur, de chaînes et de cassures, tout comme son verbe et sa musique. Pas d’échappatoire : la demoiselle est plus virulente et plus noire que l’ensemble de ses collègues masculins, et tape là où ça fait du bien. Hardcore, certainement, mais pas de la manière dont on l’entend habituellement. Ici chaque mot est pesé, chaque rime calculée ; jamais les mots ne trahissent l’idée, et jamais l’idée n’est trahie par un manque de vocabulaire, l’incompréhension d’une règle de grammaire, une approximation involontaire. Le message ne peut être partagé s’il n’est pas compris par tous. Casey ne fait pas dans le rap de banlieusard ; si elle affirme pratiquer du rap de « fils d’immigré », c’est dans un français parfait ou rien. La méthode, l’exigence, c’est ce qui la démarque de l’engeance. Le flow erratique, le mot élastique, c’est ce qui la rend unique. Un phrasé particulier habillé d’ambiances crépusculaires plus que guerrières ; car son timbre suffit largement à oblitérer toute velléité de résistance. Et la tendresse, bordel ? Elle est absente du tableau, pour sûr : douleur et rancœur ont pris sa place, à part peut-être sur « Rêves illimités » ou l’adulte aigri redevient enfant, le temps d’une page noircie… Le reste est sans concession ; Casey écrit avec son sang, le cœur sorti de la poitrine pour vérifier qu’il bat toujours. On pourra reprocher à ce nouveau pamphlet ses attaques systématiques et répétées envers le racisme ; un acharnement qui pourrait paraître au mieux lourd, au pire douteux (si le racisme quotidien est une tare, l’exhumation du passé colonial est un cliché un peu encombrant…). Mais ce n’est qu’un détail (de l’histoire de Casey, pas de l’histoire de France !), et ce deuxième album est tout de même une grande réussite.
Casey : Créature ratée
Casey : Apprends à t’taire !